Organisation et fonctionnement (1846-1888)
Les premiers règlements de la bibliothèque datent des années 1830. Alors gérée par un seul, puis plusieurs élèves bibliothécaires, elle est ouverte de deux à trois heures par jour aux élèves. Le prêt de documents est limité ; en particulier, les élèves s’engagent à ne pas faire sortir de l’École les livres qu’ils empruntent.
Jusqu’en 1846, le règlement de l’École confie la surveillance de sa collection de livres à des élèves-bibliothécaires, placés sous l’autorité du directeur des études. Ils sont responsables de la communication et du rangement des ouvrages durant les deux heures d’ouverture quotidienne aux élèves et de la tenue des registres de prêts. L’amplitude horaire, le service rendu, la collection même paraissent modestes. Mais dans les années 1850, les bibliothèques de facultés ne disposent pas de salles de lecture et hormis la Bibliothèque nationale et les cinq grandes bibliothèques parisiennes (Arsenal, Mazarine, Sainte-Geneviève et Sorbonne), aucune ne possède plus de quelques milliers d’ouvrages, tenus sous clef et accessibles aux seuls professeurs.
Dotée par Philippe Le Bas d’un solide plan de classement, installée dans une salle dédiée, la bibliothèque de l’École est en avance sur son temps. « Décorée avec élégance, ouverte au levant et offrant à la vue une perspective d’arbres et jardins… elle fit entrer plus d’air et de lumière ; les livres y prirent un air attrayant » se remémore Paul Vidal de La Blache en 1895.
Au sein d’un enseignement supérieur en cours de structuration, la question de la professionnalisation du responsable de bibliothèque fait débat durant le Second Empire et jusqu’au décret Ferry de 1879. La décision du directeur de l’École Paul-François Dubois de créer, dès 1846, la charge de bibliothécaire en titre et de la confier à un ancien élève-bibliothécaire devenu archiviste paléographe, Athanase Cucheval-Clarigny est à cet égard novatrice. Après le départ de Cucheval en 1851, trois bibliothécaires se succèdent jusqu’en 1888 : Eugène Hauvette-Besnault de 1851 à 1868, Jules de Chantepie du Dézert (1858 l) de 1868 à 1880 et Alfred Rébelliau (1877 l) jusqu’en 1888. Sous leur direction, la bibliothèque renforce considérablement ses collections, accessibles aux élèves quatre heures par jour et empruntables « avec une libéralité qui n’a de limites que les restrictions nécessaires pour la conservation du bien commun » (Vidal de La Blache).
Paradoxalement, alors même que ces progrès sont portés par des personnalités dont la vision est profondément innovante (Ernest Bersot, Fustel de Coulanges) et dont la marque dans la structuration des bibliothèques universitaires françaises a été décisive (Jules de Chantepie), l’École semble ne pas avoir su revendiquer cette avant-garde ni capitaliser sur l’expertise de ses bibliothécaires pour occuper la place, encore vacante, de tête de pont des bibliothèques universitaires. Lorsque Jules de Chantepie quitte la bibliothèque, c’est avec amertume : « Quand je suis sorti de l’École, où tout jusqu’aux égards finissait par me manquer, mes douze années de présence n’avaient servi qu’à diminuer de deux cents francs mon traitement primitif » écrit-il en 1881. Après quelques années de disponibilité, il est nommé à la tête de la nouvelle bibliothèque de la Sorbonne et rejoint l’inspection générale des bibliothèques, qu’il avait contribué à fonder.