Legs et saisies révolutionnaires (1817-1822)
Parmi les exemplaires en double cédés par la bibliothèque de l'Université à l'École normale en 1818, certains volumes présentent des marques de provenance permettant d'identifier leurs anciens possesseurs – individus et institutions – et de retracer ainsi une partie du destin des livres.
Sur chaque livre ayant intégré les collections des bibliothèques de l'Université et de l'École normale, on retrouve les mêmes marques : le cachet « Bibliot. Univ. Par. » de l'Université et le cachet « Prytanée. Bibliothèque », ainsi qu'une lettre « D » manuscrite indiquant que l'ouvrage fait partie des exemplaires en double attribués à l'École normale en 1818. On relève aussi deux des cachets historiques de l'École normale : le cachet fleurdelysé « Ecole normale » utilisé au moment de l'entrée de ces collections à l'École, avant 1830, et le cachet « Ecole normale. Université de France », orné d'une couronne de laurier et employé de 1830 à 1852 environ.
La reliure peut aussi être ornée des armes de l'Université, comme sur l'exemplaire De la décadence des lettres et des moeurs, depuis les Grecs et les Romains jusqu'à nos jours. Par M. Rigoley de Juvigny (1787) qui porte deux fers différents au centre de chaque plat : sur le plat supérieur, d'azur à trois lis d'or et à une main d'argent, mouvante du chef, sortant d'une nuée d'argent et tenant un livre posé en pal, également d'argent, alias de gueules ; sur le plat inférieur, deux plumes d'oie liées ensemble.
L'exemplaire porte de multiples marques de provenances : un cachet de la bibliothèque du roi Louis-Philippe Ier « Bibliothèque du Roi. Palais Royal » (1830-1848), un cachet biffé aux armes de la maison d'Orléans et un cachet « Don de M. Dreyfus-Brisac » : en 1941, la bibliothèque acquiert cet ouvrage grâce au legs d'Edmond-Paul Dreyfus-Brisac (1850-1921), historien de la pédagogie.
Les Vies de plusieurs saints illustres de divers siecles de Robert Arnauld d'Andilly (1664) ont tout d'abord appartenu au recteur de l'Université de Paris, Jean-Gabriel Petit de Montempuys. À sa mort en 1763, sa bibliothèque personnelle d'environ 8000 volumes est léguée à cette institution. Tous ces livres sont ornés du cachet armorié à l'encre rouge « Montempuis » : ses armes sont composées d'un chevron accompagné de trois merlettes et d'une étoile en chef, et de la légende « Montempuis ».
L'ouvrage de Valerio Chimentelli intitulé Marmor Pisanum de honore bisellii (1666) porte un ancien ex-libris manuscrit révélant son appartenance aux Augustins déchaussés du Couvent de Notre-Dame-des-Victoires : « Ex catalogo fr[atrum] discalcatorum S[anc]ti Augustini Conventus parisiensis ». Installé dès 1628 entre les faubourgs Montmartre et Saint-Honoré, ce couvent très riche a possédé une bibliothèque réputée comportant jusqu'à 39 545 volumes en 1790 ; fermé en 1791, il est détruit en 1858.
La reliure de La Ligue ou Henry le Grand poëme epique par M. de Voltaire (1723) porte les armes de Louis-Henri de Bourbon (1692-1740). Fils aîné du prince de Condé Louis III et de Louise-Françoise de Bourbon, il devient chef du conseil de régence en 1715 et premier ministre en décembre 1723 jusqu’à la mort du Régent. Supplanté en 1726 par le cardinal de Fleury, il quitte la cour et se retire dans sa résidence de Chantilly où il constitue une précieuse bibliothèque qui sera saisie en 1793. Les armes de Louis-Henri de Bourbon sont composées d'un écu d'azur à trois fleurs de lis d'or (de France), au bâton péri en bande de gueules.
L'Histoire générale des cérémonies, mœurs, et coutumes religieuses de tous les peuples du monde d'Antoine Banier et Jean-Baptiste Le Mascrier (1741) est aussi un héritage révolutionnaire des Jacobins du couvent de l'Annonciation, situé à Paris rue du Faubourg-Saint-Honoré et fondé par le père Sébastien Michælis en 1611, comme en témoigne la présence de l'ex-libris manuscrit « Ex Biblioth. FF. Praedica & ad S. Honor. » et du cachet « Jacobins R. S. Honoré ». La bibliothèque du couvent des Jacobins, créée en 1613, devient l'un des plus belles de Paris – elle conserve 32 000 imprimés et 232 manuscrits en 1787 – jusqu’à la suppression des Jacobins en 1790.