Mécène de l'enseignement supérieur et de la recherche

Le soutien apporté par la marquise à l’enseignement et à la recherche s’est manifesté de différentes manières, traduisant son double intérêt pour la recherche érudite et pour l’introduction et le développement dans les cursus universitaires de nouvelles disciplines d’enseignement. Ce mécénat « intellectuel », s’est pour l’essentiel exercé à partir de 1894, tout d’abord envers les grands établissements d’enseignement supérieur et de recherche, puis, à partir de 1907, envers les universités et plus particulièrement envers celle de Paris.

À l’École des chartes, la marquise institue en 1894 deux bourses portant le nom de son père, Alphonse Peyrat, qui, « dans sa longue existence n’a jamais eu qu’une passion, celle-là même qui doit inspirer toute histoire, l’amour de la vérité ». L’École des chartes bénéficie en 1904 d’une seconde donation, pour la création du prix Auguste Molinier, du nom du professeur de l’« Étude critique des sources de l’histoire de France », qui, dreyfusard de la première heure, avait expertisé en 1898 le bordereau qui avait été à l’origine de l’affaire Dreyfus.

Pour l’École des hautes études, la marquise achète à la mort de Gaston Paris, en 1903, la bibliothèque que celui-ci, professeur de langues et littératures françaises du Moyen Âge au Collège de France, avait réunie et y finance son installation.

Institut de géographie, construit en 1926 à Paris sur les plans d'Henri-Paul Nénot. Cliché : Chabe01 / Wikimédia commons - CC BY-SA 4.0

Institut de géographie, construit en 1926 sur les plans d'Henri-Paul Nénot. Cliché : Chabe01 / Wikimédia commons, CC BY-SA 4.0

En 1905, c’est au Collège de France que s’adressent les libéralités de la marquise : elle fait donation d’une somme de 50 000 francs, destinée à subvenir pendant cinq ans « aux frais d’un cours complémentaire d’histoire générale et de méthode historique », confié à Gabriel Monod. Lors de sa leçon inaugurale, ce dernier rappelle que la marquise a souhaité « que soient ainsi présentées d’une part, les règles scientifiques de méthode et de critique qui président à l’investigation historique ; de l’autre, les grandes formes et grandes idées qui contribuent à l’évolution historique elle-même ».

Trois ans plus tard, en 1908, la marquise, « frappée », écrit-elle, « des difficultés qu’ont certains professeurs à exécuter et à publier des travaux d’érudition qui entraînent des dépenses considérables », offre à nouveau au Collège de France une somme de 50 000 francs pour soutenir les travaux des titulaires des quatre chaires de langues et littérature françaises du Moyen Âge, Joseph Bédier, d’histoire et antiquités nationales, Camille Jullian, de langues et littératures françaises modernes, Abel Lefranc et de langues et littératures de l’Europe méridionale Alfred Morel-Fatio. C’est en 1907 que la marquise accorde ses premiers subsides à l’université de Paris, pour la création d’un prix triennal de 1000 francs, le prix Alphonse Peyrat, qui doit être décerné à un ouvrage ou une thèse « sur l’histoire de France moderne et contemporaine depuis 1774 ».

En 1911, la marquise annonce au recteur Louis Liard qu’elle met 500 000 francs à sa disposition pour être employés « au mieux des intérêts de la faculté de sciences et de la faculté des lettres » et en 1912, lui offre une nouvelle somme de 500 000 francs, qui, venant s’ajouter à la première, permet la construction d’un institut de géographie commun à la faculté des lettres et à la faculté des sciences conçu pour abriter « les collections, l’enseignement et les recherches de géographie » , de ces deux facultés. Cet institut est édifié sur les plans de l’architecte de la Sorbonne, Henri-Paul Nénot, au coin de la rue Saint-Jacques et de la rue Pierre-Curie (maintenant rue Pierre-et-Marie-Curie). Une inscription placée au fronton de celui-ci rappelle le souvenir de la marquise en y associant celui de son père, Alphonse Peyrat.

Institut d'art et d'archéologie, construit en 1936 à Paris sur les plans de Paul Bigot. Cliché : besopha / Wikimedia Commons, CC BY-SA 2.0

Institut d'art et d'archéologie, construit en 1936 à Paris sur les plans de Paul Bigot. Cliché : besopha / Wikimedia Commons, CC BY-SA 2.0

En 1920, reprenant le projet qu’avait conçu Louis Liard d’établir un institut d’histoire de l’art au sein de l’université de Paris, la marquise Arconati Visconti remet une somme de deux millions de francs entre les mains du nouveau recteur, Lucien Poincaré. Mais c’est au total d’une somme de trois millions de francs que la marquise fera don à l’université de Paris pour l’édification de l’institut, fondé « en souvenir de Raoul Duseigneur »,  qui s’élève rue Michelet, sur les plans de Paul Bigot.

En 1921, la marquise offre encore à l’université de Paris une somme de 100 000 francs pour assurer la publication des meilleures thèses de la faculté des lettres, et en 1922, une somme annuelle de 28 000 francs affectée au traitement du titulaire d’une chaire d’histoire littéraire du XVIIIe siècle confiée à Gustave Lanson, directeur de l’École normale supérieure.

« Legs veuve Arconati Visconti », Recueil des actes administratifs de la Préfecture du département de la Seine, mai 1923, p. 549-550. BnF, F-27043. Disponible en ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58294012/f46

« Legs veuve Arconati Visconti », Recueil des actes administratifs de la Préfecture du département de la Seine, mai 1923, p. 549-550 (détail). BnF, F-27043. Disponible en ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58294012/f46

Et par son testament, le 3 mai 1923, « désireuse de contribuer après ma mort, écrit-elle, comme je me suis efforcée de le faire de mon vivant au progrès des lettres et des sciences dans mon pays », la marquise institue l’université de Paris légataire universelle de sa fortune. Celle-ci est estimée, lors de la liquidation de la succession, à plus de 13 millions de francs, montant correspondant à plus d’un milliard d’euros.

La marquise n’a pas contribué au seul développement de l’université de Paris, même si celle-ci a été la principale bénéficiaire de ses « largesses ». Elle a également accordé son soutien à l’université de Lyon, en achetant en 1917 pour son institut d’histoire de l’art la bibliothèque et les archives d’Émile Bertaux, puis en lui faisant don en 1920 « pour honorer la mémoire de Raoul Duseigneur », d’une somme de 60 000 francs destinée à permettre l’attribution d’un prix à un élève préparant une thèse de doctorat en histoire de l’art. Cette même année, la marquise a également fait don d’une somme d’un montant identique à l’université de Toulouse pour l’attribution d’un prix en souvenir d’Alphonse Peyrat, son père, originaire de cette ville, et d’une somme de 150 000 francs à l’université de Strasbourg, pour l’achat et l’aménagement d’un immeuble destiné à abriter un institut de sismographie.

Mécène de l'enseignement supérieur et de la recherche